Yoga des origines


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Yoga des origines

Le Yoga est l’un des six « darśana » (points de vue, systèmes philosophiques) orthodoxes hindous : Samkhya, Yoga, Mimamsa, Vedanta, Vaiceśika, Nyaya.

Ce sont les six aspects d’une même tradition (l’Hindouisme) reconnus comme autant de voies capables de mener l’homme au but ultime de la vie : la réalisation spirituelle. Parmi celle-ci, seule le Yoga est la seule voie pratique. Les autres voies s’attachent seulement à la connaissance. Le Mimamsa se présente comme une réflexion sur les Veda (Textes sacrés de l’Inde) et l’étude des rituels. Le Vedanta est une exégèse des Veda, et développe la philosophie brahmanique. Le Vaiceśika traite de la cosmologie, le Nyaya de la logique.
Le Samkya est traditionnellement associé au Yoga. Il développe l’aspect « théorique » qui sous-tend la pratique du Yoga, définissant et décrivant les processus selon lesquels la nature (Prakṛti) s’organise à travers les cinq éléments (terre, eau, feu, air, éther/espace vide) et les forces cosmiques. C’est le Soi (Puruṣa/Atman) qui, sans s’impliquer en elle, insuffle vie à la Prakṛti (nature, matière), par essence inerte, lui permettant à se manifester en trois qualités (guṇa) :

  • Sattva (de « Sat » : l’être) : lumineux, transparent. C’est l’état idéal de l’être : pur, joyeux, paisible,
  • Rajas : rouge, lié au désir, à l’action, à la volonté. C’est l’état « dynamique », vif, passionné, violent.
  • Tamas : noir, lié à l’ignorance, l’aveuglement, l’égoïsme, la force d’inertie et de cohésion, l’illusion.

Ces trois force à l’œuvre dans l’univers (macrocosme) et dans l’homme (microcosme), à travers son corps et sa personnalité, voilant la lumière du Soi, obscurcissent sa conscience et la conduisent à s’identifier à l’égo (Ahamkara) et à la vie matérielle.
Le Yoga représente le moyen de dénouer l’écheveau des conditionnements conscients et inconscients, créés et maintenus par les Guna, et même de « brûler » les résidus karmiques (Samskara) dès cette vie, et d’atteindre la liberté absolue : la « délivrance » (Moksha, mukti). La tâche essentielle du chercheur novice (sadhaka) sera de développer en lui-même l’élément « sattvique » sur tous les plans de sa vie et de sa conscience, éliminant peu à peu les gênes (kleśa) qui voilent la lumière du Soi. Le premier texte connu comme présentant le yoga « classique » (les Yoga sūtra de Patañjali) pourrait avoir été écrit vers le IIème siècle av. JC et comprend des parties datées du Vème siècle ap. JC. Le yoga était probablement pratiqué depuis plusieurs siècles avant la rédaction des premiers textes.

La voie classique

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atha yogānuśāsanam : « maintenant, l’enseignement du yoga commence », autrement dit « voici l’enseignement traditionnel du yoga. » Y.S. 1-1.
Ce premier sūtra (verset) indique que le Yoga ne s’apprend pas seul, mais avec un maître, lui-même instruit par son propre maître, selon une chaîne initiatique qui se perd dans la nuit des temps. L’enseignement est transmis d’homme à homme, d ans un souci de vérité, d’exactitude et de fidélité à la « tradition » qu’il représente, ce qui est la seule garantie de l’efficacité de la pratique à venir du chercheur (sadhaka). Il est capital de bien choisir son maître. (On est autorisé à le quitter si des résultats probants ne sont pas rapidement obtenus).
Le second sūtra : yogaś cittavṛttinirodhaḥ « Le Yoga est l’arrêt des fluctuations de la pensée. » (citta vṛtti, fluctuation du psychisme) (Y.S. 1-2), définit la discipline yoguique : mettre en œuvre les moyens de faire cesser le flux interrompu des états psycho-mentaux qui alternent sans fin à la surface de notre conscience et auxquels nous nous identifions de manière erronée. Si ces moyens sont correctement menés, le résultat escompté se produira de lui-même : la réalisation du Soi, dans le Soi et par le Soi (Samādhi). « Alors se révèle notre Centre, établi en lui-même. » (Y.S. 1-3).

Les huit Piliers du Yoga

Ces moyens, quels sont-ils ? Quelle est la stratégie (sadhana) propre du Yoga ? ce sont les huit Piliers ou Membres (aṣṭāṅga), les huit étapes sur la voie vers l’Unité, données dans l’ordre dans lequel elles doivent être abordées :
« Les huit membres du Yoga sont :

  •  Les refrènements (yama) : devoirs moraux élémentaires envers les autres comme envers soi-même (attitudes justes fondamentales).
  • Les observances (niyama) : se discipliner et se mesurer dans la pratique quotidienne (« observances/disciplines du corps et de l’esprit »).
  • La pratique des postures (asana) : Être fermement et tranquillement établi dans la présence à soi (Y.S. 2-46) – Être fermement établi dans un espace heureux (Gérard Blitz), être dans une posture (âsana) « stable et agréable ».
  • Le contrôle du souffle (prāṇāyāma) : ne plus respirer inconsciemment. Patañjali définit la respiration yogique comme étant longue et fluide (Y.S. 2-50 « la fréquence, la durée et la longueur des phases de suspension du souffle, d’inspiration et d’expiration deviennent longues et subtiles. »).
  • Le retrait des sens ( Pratyāhāra) : le bien-être non dépendant du conditionnement des sens ( Y.S. 2-32″Quand le mental n’est plus identifié avec son champ d’expérience, il y a comme une réorientation des sens vers le Soi. »).
  • La concentration (dhāraṇā) : aptitude à soutenir l’attention sans se laisser distraire sur l’activité du mental, des émotions, de la posture, ou du souffle. « Il s’agit de l’écoute subtile des sensations, de la respiration, des pensées qui passent, ou ne passent pas. Par la concentration, on crée un point d’ancrage permettant à la conscience de dompter et de contenir les flux mentaux pour accéder ensuite à la méditation (dhyāna) ». Mircea Eliade
  • La méditation (Dhyāna) : « Pratyāhāra (retrait des sens) est associée au mental, dhyâna (méditation profonde) est associée à la présence à soi. Les flux mentaux sont éliminés par la conscience fixée en un seul point grâce à la concentration (dhâranâ) » préalable. Mircea Eliade
  • L’absorption dans le Soi (Samādhi) : aptitude à devenir un avec l’objet perçu, état d’unité.

Tous les textes insistent sur la nécessité de ne pas bruler les étapes sur cette voie difficile et d’être supervisé par un enseignant. L’enseignant compétent est celui qui est capable d’évaluer son élève à chaque stade de son évolution, car celui-ci court un réel danger s’il aborde une étape sans avoir maîtrisé la précédente. Cela ne signifie pas qu’il doive abandonner peu à peu les pratiques des 1erstade à mesure qu’il avance, mais qu’elles sont devenues siennes, parties intégrantes de son être.